I.   Situation 
II.  Origine du vicus de Clavier-Vervoz 
III.  Développement du vicus
(Note sur découverte d'inhumations d'enfants nouveaux-nés) 
IV. Les deux temples 
V.  Une nécropole rurale d'exception 
      Le monument funéraire (Note sur le culte d'Attis)
      Les tombes 
VI. La production céramique

Maçonnerie calcaire du Condroz liégeois
Maison de vacances Le Vicus
Zoom sur les images

La Pax Romana de Tongres à Arlon.  Le Vicus de Vervoz.

Carte de la Gaule Belge

Carte de la Gaule "belge"

Carte du Condroz de 1700

LE VICUS DE VERVOZ

I. Situation

Vervoz fut créé au croisement de la "route de la Famenne" et de la chaussée Arlon-Tongres, au coeur d'une région fertile, le Condroz, non loin des cours d'eau navigables de la Meuse et de l'Ourthe.  
Agriculture et élevage, exploitation de la forêt et des carrières permirent le développement du pays condruse pendant les trois premiers siècles de notre ère. En témoignent les restes de nombreuses exploitations agricoles découvertes dans la région (à Bonsin, Modave, Grandhan, Bois-et-Borsu, Ocquier, Soheit- Tinlot) ainsi que plusieurs vici établis le long de l' Arlon- Tongres et qui présentent des plans assez complets: Amay, Braives et, bien sûr, Vervoz. 

Il. Origine du VICUS de Clavier-Vervoz
  
Il semble que le site fut occupé dans un premier temps par un relais installé le long de la chaussée. C'était un bâtiment rectangulaire, en bois et en torchis, long d'une trentaine de mètres. Cette construction fut, plus tard, complétée de plusieurs annexes, d'un hypocauste (Fourneau souterrain pour chauffer les salles de bains ou les chambres. Chambre voûtée qui renfermait le fourneau) et d'une cave, avant d'être définitivement abandonnée suite aux invasions de la seconde moitié du lIIème siècle. La découverte sur le site d'une quarantaine de monnaies antérieures à cette époque attestent son abandon ("le trésor de Clavier ll"); 

III. Développement du vicus
 
Dans la seconde moitié du 1er siècle, les habitants de Vervoz vont profiter de la paix qui règne dans la région pour faire de leur vicus une bourgade animée et attrayante, procurant aux voyageurs de nombreuses possibilités d'y séjourner. Au centre, une quarantaine d'habitations privées, maisons d'artisans et de commerçants, longent la chaussée. Le Cercle Archéologique Hesbaye-Condroz, en collaboration avec le Service National des Fouilles, y mena plusieurs campagnes de fouilles entre 1960 et 1971. Ces bâtiments n'existèrent vraisemblablement pas tous au même moment. Ils sont agencés selon des plans assez variés. Côté chaussée, ils présentent une façade étroite (8 à 15 m. de largeur), parfois précédée par une galerie et des colonnes de bois. Ces maisons s'étendaient en profondeur sur 20 à 30 m. La plupart étaient dotées d'une cave.  
Parmi ces bâtiments, on trouve les traces d'une taverne. Les fouilles de cette construction en pierre calcaire du lIème siècle permirent de découvrir les traces d'un bâtiment antérieur, daté du 1er siècle, en bois et torchis. Les nombreux goulots de cruches et les déchets d'ossements d'animaux trouvés à cet emplacement laissèrent supposer aux fouilleurs qu'ils étaient en présence d'une taverne.  
L'aménagement à Vervoz de plusieurs édifices publics (thermes, curie, marché couvert et temple) est une preuve notoire de l'importance du vicus qui, de simple relais routier au départ, devint une bourgade artisanale, un centre de marché et un lieu de culte. On y trouve les traces de thermes. Ces bains publics furent installés en plusieurs phases à partir de la première moitié du Ilème siècle. Les murs du frigidarium, salle des bains froids, étaient ornés de fresques polychromes représentant des arabesques et des plantes aquatiques.   
Un autre bâtiment important fut construit au centre du vicus, dans la seconde moitié du Ile siècle, à l'emplacement d'une construction antérieure du début du Ile siècle. L'aire centrale de ce grand édifice était chauffée par hypocauste. Sa forme basilicale et sa grande porte d'entrée, large de 3 mètres, s'ouvrant sur la chaussée, fait penser à un bâtiment à usage public, sans doute une curie (bâtiment à fonctions administratives).  
En face de la taverne s'élevait un vaste bâtiment (30x17 m.) interprété comme étant un marché couvert. On y découvrit une oenochoé (Cruche pour le vin, à panse plus ou moins gonflée, ayant souvent une embouchure trilobée et une anse verticale qui dépasse légèrement) en bronze contenant 1680 pièces d'argent. Ce trésor (le"trésor de Clavier III ") avait été enfoui peu après 254 au pied d'un pilier. Il fournit, avec le "trésor de Clavier II'' cité ci-dessus, des dates importantes dans I'histoire du vicus de Vervoz. Après une longue période de prospérité, l'agglomération subit des destructions dans les ,années 250-275, suite aux invasions franques qui mettent un terme à la paix romaine. Le vicus est alors totalement déserté.  
Seule la zone sacrée sera réutilisée au Bas-Empire : les deux temples, incendiés vers la fin du 1er siècle, furent reconstruits dans le dernier quart du lIIème siècle et occupés jusqu'au début du Vème siècle 
Note : découverte d'inhumations d'enfants nouveaux-nés  
Les fouilles de 1970 mirent au jour, à l'emplacement de la galerie sud des bains publics, quatre petites fosses contenant les corps de quatre enfants nouveaux-nés. Ces squelettes sont datés de la seconde moitié du 1er siècle et de la première moitié du lIème siècle. La non incinération peut surprendre, mais il semble qu'elle était d'usage pour l'enfouissement d'enfants morts avant l'âge de quatre ans. Pline l'Ancien rapporte qu‘il n'est pas de coutume que les hommes incinèrent leurs semblables avant la poussée des dents " (Histoire Naturelle, VII, 15). Les enfants morts-nés et les bébés morts en bas âge étaient ensevelis dans de simples fosses, sans dépôt, en-dehors des cimetières à incinération, à n'importe quel endroit du vicus. Ces morts précoces ont pu être considérées comme des événements insolites et anormaux, ce qui pourrait expliquer une telle coutume. L'agglomération gallo-romaine d' Amay a, elle aussi, livré quatre exemplaires d'inhumations de bébés. Il ne s'agit sans doute pas de cas exceptionnels mais, en général, l'extrême fragilité des squelettes n'a certainement pas favorisé leur conservation. 

IV . Les deux temples  

A 60 m. de la chaussée, à l'est du vicus, deux temples en bois avaient été construits sans doute au milieu du 1er siècle. Leur plan, issu de la tradition celtique, était simple: une cella rectangulaire et un déambulatoire pour le temple A (dim. : 14 m. x 13,40 m.). Une cella unique, plus ou moins trapézoïdale pour le temple B (dim. : 6,80 m. à 7 m. x 8,90 m.). Tous deux avaient la même orientation : N.O.-S.E., l'entrée étant au S.E.  
Détruits par un incendie à la fin du 1er siècle ou au début du suivant, ils furent reconstruits  en matériaux durs sur leur emplacement primitif, après les troubles de 250-270. Pour le temple A, il s'agit d'une construction sur podium avec un escalier d'accès de sept marches. La cella rectangulaire est de dimension Identique à la précédente. Le déambulatoire est un peu plus large (dim. de l'ensemble: 15,60 m. x 14,95 m.). Le temple B conserve le plan, les dimensions et l'orientation de celui qu'il remplace.  
A la même époque, les deux temples furent délimités par un mur d'enceinte d'environ 100 m. de diamètre. Ce mur était longé, au sud, par une galerie couverte et un portique qui permettaient l'accès à la zone sacrée. Deux portes larges de 2,90 m. donnaient chacune sur un des deux temples. On pouvait accéder aussi, par une troisième porte, à un bâtiment non identifié. De nombreux fragments d'enduits muraux ont été trouvés à cet endroit.  
Le matériel archéologique retrouvé dans cette aire sacrée est composé principalement de tessons de céramique, de monnaies et de fragments architecturaux.  
Aucun élément n'indique à quelle(s) divinité(s) ces temples étaient consacrés. 

V . Une nécropole rurale d'exception  

L 'ensemble funéraire de Clavier- Vervoz, daté entre 60 et 85, a livré des objets rares et luxueux qui témoignent d'une culture cosmopolite et d'une romanisation profonde. Nous sommes en pré­sence d'une nécropole familiale composée de six tombes à incinération avec, au centre, un monument funéraire. Cette petite nécropole fut celle d'une riche famille et la qualité du mobilier recueilli rappelle les somptueux dépôts des tumuli de la Hesbaye. 

    A. Le monument funéraire  

Un monument funéraire entouré de six tombes à incinération s'élevait à environ 200 mètres de la voie romaine, au sud-ouest du relais. Le mausolée devait être composé d'un socle, destiné à recevoir des inscriptions funéraires comme semble l' attester les quelques fragments inscrits. Sa base, encore en place au début du siècle, mesurait 5,20 m. x 3,80 m.  
Grâce à ces fondations et aux restes architecturaux découverts sur le site, on peut se faire une idée du type de monument et de sa destination. De toute évidence, nous sommes en présence d'un monument funéraire unique en son genre dans notre pays. M.-CI. Gueury et M. Vanderhoeven proposent de les comparer aux piliers funéraires des Trévires et, par exemple, au monument de Poblicius de Cologne. Le socle devait supporter un édicule orné de deux colonnes canneléessur lesquelles était représentée, en relief, l'effigie du dieu phrygien Attis. L'édicule était surmonté d'un sphinx en ronde-bosse. Des fragments de draperie correspondent à des statues grandeur nature, en relief ou en ronde-bosse. Sans doute l'édicule abritait-il les statues du couple défunt. 
Note sur le culte d' Attis  
Les représentations du Sphinx et d'Attis font du monument funéraire un édifice de tradition hellénistique.  
Issu d'une légende d'inspiration orientale, le sphinx est un monstre ailé à corps de lion et buste et tête de femme.  
Quant au culte d' Attis, il fait partie des cultes à mystères d'origine orientale qui se propagèrent à Rome et dans ses provinces. Ce culte est né en Asie Mineure. Attis était un jeune berger phrygien. La Grande Mère, Cybèle, en fit son amant mais il tomba amoureux d'une nymphe que Cybèle, jalouse, tua. Le pâtre s'émascula et mourut à l'ombre d'un pin. La Grande Déesse le ressuscita et lui fit don de la vie éternelle. Attis, mort et ressuscité, et dont l'emblème est le pin, arbre toujours vert, personnifie la vie renouvelée et la fructification. On le trouve aux côtés de Cybèle, déesse-mère protectrice, qui conserve pour emblème le lion. Attis est représenté sur de nombreux monuments funéraires. A Vervoz, bien que le relief soit fort abîmé, il est reconnaissable grâce au bonnet phrygien qu'il porte sur la tête. Il porte un manteau plissé qui repose sur ses épaules et couvre une tunique à longues manches. Il semble se recueillir, le menton appuyé sur la main gauche.  
Le double culte d'Attis et de Cybèle est attesté à Rome dès 204 av. J .-C. Il est officialisé sous l'empereur Claude, au milieu du 1er siècle de notre ère. Tout comme d'autres cultes à mystères d'origine orientale (Isis, Mithra. . . ), il remporte un vif succès dans l'Empire romain car ses adeptes y trouvent des éléments inconnus dans les religions traditionnelles. Notamment, une relation personnelle existe entre l'adepte et le dieu. L'initié revit d'une manière symbolique les épreuves que le dieu a subies, en particulier sa mort et sa résurrection. L'initié s'identifie à Attis et il reçoit la promesse du salut et de la vie éternelle. 

    B. Les tombes  

Les six sépultures, tout comme le monument qu'elles entourent, ont fait l'objet de fouilles anciennes, à la fin du XIXème et au début du XXe siècle. On ignore si la nécropole était entourée d'une enceinte et si les tombes étaient recouvertes de tertres de petites dimensions. Plusieurs d'entre elles avaient été pillées. Néanmoins, les fouilleurs recueillirent dans trois des six tombes un mobilier funéraire d'une qualité exceptionnelle que l'on peut aujourd'hui admirer au Musée Curtius de Liège et aux Musées Royaux d' Art et d'Histoire de Bruxelles.  
Parmi la vaisselle de luxe, notons quelques ensembles de verres: deux canthares ornées de guirlandes en pâte de verre opaque, accompagnées d'une paire de coupes côtelées et d'une paire de bouteilles (tombe 4); un service de douze pièces composé d'une série de quatre assiettes et de deux séries de quatre bols, le tout de même fabrication (tombe 1).  
La tombe 2 se distinguait par ses services en terre sigillée provenant du sud de la Gaule.  
La vaisselle en bronze, de type italique, comporte deux oenochoés, une patère, un poêlon de bain et deux amphores.  
Une étude approfondie de ce mobilier a été réalisée par M.-Cl. Gueury et M. Tanderhoeven. Il en ressort notamment que ces témoins archéologiques datent tous de l'époque flavienne (60-80 ap. J.­C. ), hormis quelques pièces antérieures que l'on peut qualifier de "souvenirs de famille". Le mobilier de ce "petit" cimetière de famille est donc tout à fait original. Il se ne trouve pas de semblable dans la Belgique romaine avant le Ilème siècle de notre ère, lorsque s'élèvent, particulièrernent en Hesbaye, les riches tumuli. Tant au niveau de sa richesse qu'au niveau de sa composition et de la disposition de certains ensembles de pièces, ce mobilier fait penser aux dépôts recueillis dans les sépultures sous tumulus.  
La nécropole de Vervoz abritait donc les membres d'une famille aisée et, de toute évidence, profondément romanisée. Le monument, de tradition hellénistique, et le mobilier, composé principalement l'objets de luxe provenant de régions diverses, en témoignent. Sans doute le chef de famille fut-il un voyageur. Peut-être un riche commerçant, un gros propriétaire terrien ou encore un militaire de haut rang qui traversa l'Empire avant de s'installer sur un important fundus à Vervoz. 

VI . La production céramique  

Le nord du vicus abritait une zone réservée à la production de céramique. On a découvert quinze fours de plusieurs types lui ont dû appartenir à des potiers itinérants. En effet, ils ne furent pas tous en même temps en activité et leur utilisation fut de courte durée (quelques mois). L'essentiel de l'activité des potiers de Vervoz a eu lieu au milieu du 1er siècle. On n'a retrouvé aucune trace d'officines (ateliers de tournage et de séchage,hangars…). La quantité de tessons recueillis, en majorité de la terra nigra et quelques formes de céramique commune claire, fournit un exemple intéressant de la production régionale au 1er s. de notre ère. On produisait sur place la vaisselle de table courante: pots de différentes formes, assiettes, bols, cruches et bouteilles. 

B. Mailleux. La Pax Romana de Tongres à Arlon. (extrait).  Publiée par le Musée de Wéris.  

Carte de la région datant de +/- 1700

Situation du Vicus de Vervoz

Plan de situation générale

Thermes romains

Plan des thermes

Les deux temples romains

Les deux temples

Le trésor de vervoz